Règlement des conflits
règlement des
conflits, moyens non juridictionnels de parvenir à la solution d’un
litige.
Un des grands chantiers de la réforme de la
justice — engagée depuis quelque temps en France — est de favoriser la
multiplication des modes alternatifs de règlement des conflits. Ceux-ci ont pour
fonction de permettre aux parties en conflit d’aboutir à une solution à ce qui
les oppose, sans que celle-ci soit nécessairement donnée par la justice étatique
ou arbitrale. La faveur dont jouissent les modes alternatifs de règlement des
conflits est due au succès qu’ils connaissent aux États-Unis où ils sont très
pratiqués sous le nom d’« Alternative Dispute Resolution » ou « ADR ».
L’objectif avéré est donc de transposer cette technique en droit français.
L’idée est de soulager la justice étatique de
tous les litiges à propos desquels il n’est pas indispensable de la mobiliser et
de remédier ainsi à l’encombrement endémique auquel elle est soumise. En
d’autres termes, il convient d’encourager toutes les solutions qui peuvent
permettre d’éviter un contentieux judiciaire, car celui-ci est souvent lourd,
long et laisse des traces indélébiles chez les parties du litige. Les parties
doivent avoir la possibilité d’éviter un tel procès si elles le souhaitent. On
retrouve ainsi l’application du fameux adage : « un mauvais accord vaut mieux
qu’un bon procès ». C’est pourquoi les modes alternatifs de règlement des
conflits sont, avant tout, fondés sur l’acceptation par les parties d’une
solution amiable, et non juridictionnelle. L’arbitrage, mode juridictionnel,
n’appartient donc pas à la catégorie des modes alternatifs de règlement des
conflits.
On assiste, depuis quelques années, à
l’avènement de deux types de modes alternatifs de règlement des conflits : ceux
qui sont pratiqués au sein même de la justice étatique et ceux qui sont dus
uniquement à des techniques conventionnelles.
2 |
|
LES MODES ALTERNATIFS JUDICIAIRES DE
RÈGLEMENT DES CONFLITS |
Devant l’accroissement du nombre d’affaires en
souffrance soumises aux tribunaux étatiques, la justice judiciaire a elle-même
éprouvé le besoin d’organiser en son sein des modes alternatifs de règlement des
conflits pour alléger sa tâche. Ceux-ci existent désormais tant en matière
civile, qu’en matière pénale.
2.1 |
|
Les modes alternatifs de règlement des
conflits dans les tribunaux judiciaires civils |
La loi n° 95-125 du 8 février 1995 a organisé
en France les modes alternatifs judiciaires civils de règlement des conflits.
Cette réforme était attendue depuis longtemps, car elle correspondait à un
besoin pour les tribunaux de pouvoir tenter eux-mêmes une conciliation ou une
médiation avant qu’une phase proprement contentieuse ne soit engagée. Deux
procédés différents sont à la disposition des parties : la conciliation
judiciaire et la médiation judiciaire.
2.1.1 |
|
La conciliation
judiciaire |
Avant d’aborder le sujet de la
conciliation comme mode alternatif de règlement des conflits, il faut rappeler
que la conciliation est, en vertu de l’article 21 du nouveau Code de procédure
civile, l’une des missions que tout juge doit obligatoirement avoir à l’esprit
lorsqu’il tranche un litige.
À côté de cette composante conciliatrice
de la mission juridictionnelle du juge, il existe donc un procédé alternatif de
conciliation judiciaire. Celle-ci est réalisée par une catégorie particulière
d’auxiliaires de justice qui ont été rebaptisés en 1996 « conciliateurs de
justice ». Toujours rattachés à un tribunal d’instance, on en dénombrait 1337 au
1er janvier 1996 en France. Désignés par le juge, et parfois à
l’initiative des parties, les conciliateurs de justice ont pour mission de
faciliter le règlement amiable d’un litige sur des droits dont les parties ont
la libre disposition.
Les conciliateurs de justice agissent au
nom et pour le compte du juge qui les a désignés. Les parties ont l’obligation
d’être physiquement présentes durant toute la procédure de conciliation, bien
qu’elles puissent se faire assister d’un conseil. Au terme de la phase de
conciliation, le conciliateur informe le juge du succès ou de l’échec de sa
mission. En cas d’échec, une procédure juridictionnelle recommence devant le
juge. En cas de succès, le conciliateur établit un constat d’accord, signé par
les parties. Celles-ci peuvent alors demander au juge une homologation de
l’accord, qui s’obtiendra selon une procédure gracieuse.
2.1.2 |
|
La médiation
judiciaire |
L’organisation de la médiation judiciaire
est très proche de celle de la conciliation judiciaire. Les parties doivent, par
exemple, avoir la libre disposition de leurs droits. La médiation judiciaire
peut intervenir à tous les stades d’une procédure, surtout si elle est bloquée,
et devant tous les tribunaux de première instance, y compris en matière de
référé.
À l’inverse du conciliateur judiciaire, le
médiateur judiciaire n’est pas rattaché à un tribunal, mais désigné pour une
mission ad hoc. Le choix du médiateur peut porter sur une personne
physique, ou même sur une association, mais la personne choisie doit toujours
offrir des garanties d’indépendance et de qualifications adéquates.
Le médiateur judiciaire n’est pas investi
d’un pouvoir de juger que lui aurait délégué un juge, ni même d’un pouvoir
d’instruction. Son unique fonction est « d’entendre les parties et de confronter
leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui
les oppose » (article 131-1 du nouveau Code de procédure civile). Il est soumis
à une obligation de secret qui couvre tous les débats auxquels il a participé.
Aussi, à l’issue du délai imparti par le juge pour la médiation, la seule
information que le médiateur est en droit de révéler au juge est le résultat de
la médiation — à savoir si les parties sont ou non parvenues à un accord. Dans
la négative, l’instance juridictionnelle reprend son cours ordinaire. Dans le
cas inverse, les parties peuvent, comme pour la conciliation judiciaire,
demander une homologation de l’accord, qui s’obtient, là encore, suivant la
procédure gracieuse.
2.2 |
|
Les modes alternatifs de règlement des
conflits dans les tribunaux judiciaires pénaux |
En matière pénale, les
modes alternatifs de règlement des conflits sont moins
répandus. Pourtant, un procédé de médiation
pénale — devenu l’article 41 du Code de
procédure pénale — a été
instauré par la loi du 4 janvier 1993. Cet article permet
au procureur de la République de recourir à la
médiation pénale si les parties en sont d’accord,
et à la double condition que, d’une part, la
médiation intervienne avant la mise en place de l’action
publique, et d’autre part, qu’elle soit opportune au regard
des circonstances de la cause. Parmi ces circonstances, sont notamment
pris en considération : les liens entre l’auteur de
l’infraction et sa victime, l’importance des dommages
provoqués, le trouble causé à l’ordre
public, ou les conditions de reclassement de l’auteur de
l’infraction.
Comme en matière civile, le médiateur peut
être une personne physique ou une association, et il doit offrir des garanties
de compétence et d’indépendance. Son rôle est surtout d’évaluer le montant du
préjudice, ce qui engagera les parties si elles acceptent cette évaluation. En
cas d’échec de la médiation pénale, l’instance est reprise par le procureur de
la République. Cependant, le médiateur pénal ne transmettra pas au juge le
contenu des débats qu’il a arbitrés, car il a une obligation de secret.
Les dispositions parfois strictes examinées
ici s’expliquent par le fait que ces modes alternatifs de règlement des conflits
se déroulent dans un cadre judiciaire. La latitude des protagonistes est
beaucoup plus grande dès lors qu’ils évoluent dans un cadre uniquement
conventionnel.
3 |
|
LES MODES ALTERNATIFS CONVENTIONNELS DE
RÈGLEMENT DES CONFLITS |
Ceux-ci sont innombrables, car il en existe
autant que l’imagination des parties se plaît à en inventer. Se situant en
dehors du cadre juridictionnel, les solutions auxquelles parviennent ces modes
alternatifs de règlement des conflits n’empêchent pas les parties de les
contester ensuite devant les tribunaux. Une telle démarche constituerait
naturellement un échec, mais elle n’est pas interdite, car on ne peut assimiler
un mode alternatif de règlement des conflits à une décision de première
instance. Ces modes alternatifs ne bénéficient d’ailleurs pas de toutes les
mesures de protection attachées au déroulement du procès judiciaire.
Certains modes alternatifs de règlement des
conflits font pourtant l’objet de réglementations spécifiques ou de pratiques
répétées qui permettent d’en dégager un régime juridique. Il s’agit de la
conciliation conventionnelle, de la médiation conventionnelle, de la
transaction, et du mini-trial. D’autres modes alternatifs restent encore
en phase de développement.
3.1 |
|
La conciliation
conventionnelle |
La conciliation conventionnelle est la
technique par laquelle un conciliateur est chargé de proposer une solution à
deux personnes en conflit. La conciliation conventionnelle n’est soumise à
aucune règle particulière, sauf lorsqu’elle est institutionnelle. Il existe, en
effet, des organismes spécifiques qui encadrent la conciliation comme la Chambre
de commerce internationale. Certaines corporations imposent aussi qu’une
conciliation soit tentée avant de porter le litige devant les tribunaux
judiciaires. C’est le cas, par exemple, de la loi du 16 juillet 1984 en matière
sportive pour les litiges entre licenciés, groupements sportifs et
fédérations.
3.2 |
|
La médiation
conventionnelle |
La médiation conventionnelle est la
technique par laquelle un médiateur va permettre à deux personnes en conflit de
trouver une solution. Elle se distingue de la conciliation conventionnelle parce
que le médiateur n’intervient plus pour donner une solution, mais simplement
pour permettre aux parties d’en trouver une. Son rôle est donc moins important
que la conciliation conventionnelle. Pour autant, il faut bien reconnaître que
la distinction entre ces deux techniques n’est pas très apparente. C’est
pourquoi certains spécialistes préfèrent considérer que la différence est
surtout une différence de degré : la conciliation privilégierait le résultat,
tandis que la médiation s’attacherait surtout aux moyens d’y parvenir.
Cependant, il ne faut pas oublier que,
comme pour la conciliation conventionnelle, il existe des cas de médiations
conventionnelles institutionnelles, comme par exemple le médiateur du cinéma,
institué par le décret du 9 février 1983. Dès lors, il est nécessaire de bien
distinguer ces deux modes alternatifs de règlement des conflits, car les lois
qui y font référence, elles, les distinguent.
La transaction est définie dans le Code
civil à l’article 2044 comme « le contrat par lequel les parties terminent une
contestation née, ou préviennent une contestation à naître ». Cette technique se
différencie quelque peu des deux précédentes pour deux raisons : d’une part,
pour qu’elle ait lieu, un litige préalable n’est pas toujours nécessaire ;
d’autre part, la transaction adoptée est dotée de l’autorité de la chose jugée
(article 2052, alinéa 1er). Pourtant il ne s’agit ici que d’un des
effets de l’autorité de la chose jugée, celui qui permet de considérer les
énonciations contenues dans l’acte comme vraies, au sens de l’adage romain,
Res judicata pro veritate accipitur,
« la chose jugée est tenue pour
vérité ». En revanche, la chose jugée
lors d’une transaction peut être rejugée si
nécessaire par un tribunal de première instance, comme ce
devrait être le cas si elle disposait de ses pleins effets.
Comme son nom l’indique le « mini-trial »
est une forme simplifiée du procès. Comme il l’indique aussi, il s’agit d’une
pratique américaine. Elle connaît un grand succès aux États-Unis et se développe
très rapidement en France.
Calqué sur le modèle d’un procès, le
mini-trial se déroule dans les mêmes conditions que celles du procès. Une sorte
de tribunal est en effet constitué, composé de trois personnes dont deux sont
des représentants des parties et la troisième, qui préside, est une personnalité
neutre et qualifiée. La procédure se déroule selon les règles de la procédure
civile et les parties plaident devant ce collège comme elles le feraient devant
un tribunal normal. Au terme de cette procédure, qui peut même être assez
longue, une décision est rendue par ce collège de trois personnes. C’est alors
que deux situations peuvent se présenter : soit les parties acceptent cette
solution qui aura la valeur d’une conciliation, soit elles ne l’acceptent pas,
et elles engagent une véritable procédure contentieuse devant un tribunal normal
qui reprendra la cause au début. Même en cas d’échec, cette démarche présente un
intérêt, car les parties sauront désormais comment un tribunal risque de juger,
et elles pourront orienter leurs arguments en conséquence.
3.5 |
|
Les autres modes alternatifs
conventionnels de règlement des conflits |
Il s’agit de modes alternatifs dont la
pratique n’est pas encore très diffusée, mais qui émergent suffisamment pour que
l’on y accorde une certaine importance.
Tel est, par exemple, le cas du
« med-arb ». Ce mode alternatif de règlement conjugue une phase de médiation et
une phase d’arbitrage devant une même personne. Le tiers agit en effet d’abord
comme médiateur, et se transforme ensuite en arbitre si la médiation n’aboutit
pas à une solution acceptée par les deux parties. Il existe aussi une variante
du med-arb : le « co-med-arb ». Dans ce cas, les missions de médiation et
d’arbitrage sont remplies par deux personnes différentes qui assistent à
l’ensemble des débats.
Autre mode alternatif encore peu connu :
« le baseball arbitration ». Celui-ci se distingue des autres modes alternatifs
de règlement des conflits parce que la solution adoptée n’est pas proposée par
le tiers, mais par l’une des parties. En effet, chaque partie suggère une
solution pour le litige, et le tiers doit choisir la solution qu’il préfère sans
y apporter de modification. L’intérêt de ce procédé est d’obliger les parties
elles-mêmes à proposer des solutions de compromis, car le tiers retient celle
qui lui apparaît la plus raisonnable.
|